mercredi 26 octobre 2011

La Belgique est morte… Vive la Belgique !

Sonnez trompettes et clairons, ça y est, nous avons enfin notre sixième réforme de l’Etat, mieux connue sous le pseudonyme « d’accord papillon ». Les responsables de huit formations politiques ont en effet réussi à prendre des décisions courageuses afin de sortir notre pays de l’impasse institutionnelle dans laquelle il se trouvait depuis le lendemain des élections fédérales de juin…2007 ! Au passage, ils ont également eu le cran de laisser sur le bord de la route deux acteurs politiques qui ne vivent que de la confrontation communautaire et de la stigmatisation de l’autre. Même si cet accord n’est évidemment pas parfait, ses principaux axes ont le mérite d’être équilibrés et de résoudre des disputes empoissonnant la vie publique belge depuis des décennies. On pourrait faire couler beaucoup d’encre à décortiquer ce texte sous toutes ces formes ou à y recenser les victoires et les défaites de chaque camp. Nous laisserons cet exercice périlleux aux journalistes spécialisés et aux politologues avertis. Une chose est cependant certaine, et ce quelque soit l’angle d’attaque ou le parti pris, la Belgique « post-papillon » sera drastiquement différente de ses modèles antérieurs. Gaston Eyskens restera dans l’Histoire comme celui qui a enterré la « Belgique de bon-papa » en 1970 et Elio Di Rupo probablement comme celui qui aura fait de même avec la « Belgique de papa », née suite à l’abandon de l’Etat unitaire. Le pays que nous avons connu depuis trois décennies est donc bien mort, ce qui entraîne des conséquences politiques importantes.
Tout d’abord, au niveau des symboles. Maintenant que les arrondissements électoraux et judiciaires de BHV sont scindés, il ne reste plus de symboles représentant la domination et l’arrogance francophones au Nord du pays, telles que véhiculée par la doctrine nationaliste flamande. Dans le passé, nous avons connu la modification de la frontière linguistique, la sous-représentation du néerlandais à Bruxelles, les expositions culturelles en français à Gand ou Anvers, les universités enseignant à Louvain ou Gand dans la langue de Molière ou les inévitables Fourons. Tous ces « Graals » de la cause flamande, qui sont tombés les uns après les autres, avaient en outre la fâcheuse faculté d’attirer un large public, pas forcément séparatiste, vers les idées nationalistes prônées successivement par la Volksunie, la N-VA ou le Vlaams Belang. Ce ne sera donc plus le cas à l’avenir et c’est tant mieux. Il restera encore les facilités, me direz-vous. C’est vrai, mais, au-delà d’être bétonnées dans la Constitution, elles ne s’appliquent qu’à un nombre restreint de communes, situées en périphérie bruxelloise ou le long de la frontière linguistique et peuplées en grande partie, voire majoritairement, de Francophones. On peut dès lors penser que leur potentiel mobilisateur dans l’opinion publique flamande soit bien inférieur aux tabous précédemment évoqués.

Ensuite, le paysage politique belge va être amené à évoluer. Au cours de ces négociations, le FDF et la N-VA ont en effet été poussés à mettre fin au lien privilégié qu’ils entretenaient respectivement avec le MR et le CD&V. Ces derniers ont joué la carte de la responsabilité et vont désormais entrer en concurrence avec leur ancien partenaire. Cet état de fait pose la question de l’avenir des partis privilégiant le radicalisme et l’affrontement communautaires, qui avaient une influence importante du temps de la « Belgique de papa ». Au Nord du pays, sans BHV et avec un axe CD&V / Open-VLD qui risque de mener une politique de centre-droit au niveau fédéral, on peut se demander sur quel créneau va se placer la N-VA ? Ce parti devra se baser uniquement sur la popularité record de Bart De Wever, qui ne pourra durer éternellement. Au Sud du pays, la situation semble encore plus compliquée pour le FDF vu que celui-ci n’a aucune implantation en Wallonie. Avec la scission de BHV, il ne peut en outre espérer que peu de sièges lors des prochains scrutins fédéraux. La survie même du parti, en dehors du parlement de la Région bruxelloise, est donc clairement en jeu.

Enfin, il va dorénavant falloir accepter que les Régions, avec leur territoire clairement défini, deviennent les piliers incontestables de notre Etat fédéral remodelé. De même, prendre en compte leur régime linguistique, leurs règles et leurs mécanismes de financement propres deviendra incontournable lors de prises de décisions importantes. Que ce soit lorsqu’on déménage, choisit une école pour son enfant ou installe une entreprise.
Faut-il être pour autant regarder passer le train institutionnel et attendre gentiment la prochaine étape qui pourrait voir la dislocation définitive de notre pays ? Que du contraire ! Nous nous devons de saisir cette sixième réforme de l’Etat à bras le corps, ce qui doit impérativement passer par les citoyens. Le veulent-ils encore ? Selon les dernières enquêtes, plus de 75% des Flamands sont fiers d’être Belges et plus de 85% des Francophones souhaitent que ce pays ait un avenir. Que demander de plus en termes d’adhésion citoyenne ? Vive donc la Belgique…2.0 !

L’important est de saisir les opportunités qui s’offrent à nous et de recréer du lien entre les gens, entre Bruxellois, Flamands, Wallons et Germanophones. Mettre, par exemple, sur pied des projets rassembleurs par-delà la frontière linguistique, dont l’efficacité se fera sentir par chacun : une foire de l’emploi à Courtrai destinée à procurer du travail aux habitants de Mouscron, Tournai et Ath ; une télévision fédérale bilingue sur le modèle d’Arte, afin d’apprendre à connaître l’autre, ou encore un événement culturel ou sportif d’envergure internationale. Les pouvoirs publics doivent idéalement emboiter le pas en rendant obligatoire l’enseignement de la deuxième langue nationale dans chaque Région (ce n’est pas le cas en Wallonie) ou en signant un accord de coopération culturelle entre les deux grandes Communautés du pays. Ces quelques exemples, parmi tant d’autres, montrent que de réelles améliorations de notre « vivre ensemble » peuvent être réalisées sans passer par des mois de négociations politiques à huit-clos. Il faut simplement de l’envie et de la volonté. A nous de jouer !

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