vendredi 7 janvier 2011

Où sont les citoyens ?

Après environs sept mois de négociations en vue de réformer l’Etat, une dizaine de « semaines cruciales », différents passages par la case « Palais royal » et la publication d’une note finale ayant échoué à relancer les pourparlers à sept, on a l’impression que tout a été dit ou presque au sujet de la formation du prochain gouvernement fédéral. Pourtant, un acteur essentiel de ce feuilleton à rebondissements est très rarement mis sur le devant de la scène : le citoyen, ou plutôt les citoyens. Ils se sont exprimés le 13 juin dernier lors des élections, me direz-vous. C’est vrai, mais n’ont-ils pour autant plus le droit de manifester leur opinion ? Et puis, ont-ils voté pour que, début 2011, nous soyons sans gouvernement et que le bout du tunnel communautaire semble toujours aussi loin ? On peut raisonnablement en douter… Qu’il n’y ait pas de malentendu : retourner aux urnes serait la pire des options, mais il n’empêche que, dans toute démocratie qui se respecte, des mouvements citoyens ou sociaux se lèvent régulièrement pour exprimer leur sentiment au monde politique. On l’a récemment constaté en France face à la réforme des retraites ou au Royaume-Uni face aux mesures d’austérité prises par le gouvernement. Alors pourquoi pas chez nous ? Et ce, quel que soit le message de fond car il est intéressant de noter qu’aucune dynamique populaire visible ne se crée en faveur de la fin du pays, de son unité ou d’un point précis des discussions en cours. Restons cependant de bon compte et reconnaissons que certains leaders syndicaux ont dernièrement appelé au maintien de la sécurité sociale au niveau fédéral ou que le monde culturel s’est élevé contre le nationalisme, au Nord comme au Sud du pays, via des cartes blanches dans la presse écrite. Ceci ne ressemble pourtant en rien de près ou de loin à un véritable élan citoyen réussissant à mobiliser des milliers de personnes dans la rue. Comment dès lors expliquer cette apparente apathie ambiante ? Essayons d’esquisser quelques pistes d’explications plausibles.

Premièrement, on entend souvent que le communautaire n’intéresse que les responsables politiques car il ne touche pas aux « vrais problèmes des gens », comme le chômage, le logement, la mobilité ou la santé. Rien n’est plus contestable. Non seulement, nos querelles institutionnelles ont donné lieu à des rassemblements de masse dans le passé, rappelons-nous des dizaines de milliers de personnes participant aux marches flamandes sur Bruxelles dans les années’70 ou aux manifestations en faveur de l’unité du pays dans les années’90 et 2000, mais en plus les discussions actuelles portent sur des sujets cruciaux touchant au quotidien de l’ensemble de nos concitoyens. En effet, la fameuse note Vande Lanotte parle de réformer la justice, l’impôt des personnes physiques (IPP) ou encore les allocations familiales, qui représentent tous des domaines pouvant influencer fondamentalement notre bien-être et notre pouvoir d’achat.

Un argument plus pertinent est constitué par le degré de complexité des thèmes abordés. De fait, on a l’impression qu’il faut être titulaire d’un doctorat en finances ou d’une licence en droit constitutionnel pour pouvoir suivre les rebondissements concernant la loi de financement ou les différents transferts de compétences. Cette complexification à outrance éloigne tout naturellement le citoyen de la sphère publique et lui ôte toute envie de se passionner pour de tels sujets. Ceci dit, le fait d’avoir souhaité objectiver les négociations, d’avoir fait appel à la Banque Nationale et au Bureau du Plan ou d’avoir mis sur pied un groupe d’experts « high level » est une marque de sagesse de la part de Johan Vande Lanotte qui a probablement permis de calmer le jeu au moment où les esprits s’échauffaient.

Enfin, il semble pertinent d’évoquer la lassitude comme dernier élément majeur pouvant justifier le manque d’initiative populaire à la crise actuelle. Cela fait en effet plus de six mois que les média nous décrivent en long et en large le blocage politique actuel et que nos oreilles attentives commencent à faire une overdose du roman fleuve qu’est devenu « la formation du gouvernement belge ». Si c’était le titre d’une série télévisée, on en serait même à la quatrième saison vu que l’instabilité au sommet de l’Etat dure depuis les élections de juin 2007, voire à la vingtième si l’on se réfère à la problématique BHV qui hante les couloirs de la rue de la Loi depuis les années’70. Au-delà de cette légitime lassitude, une répétition tout aussi dérangeante s’est installée. Combien de fois effectivement le plan B n’a-t-il pas été analysé dans tel dossier spécial, ou tel reportage d’investigation ; une famille bilingue n’a-t-elle pas été suivie pendant une semaine par des caméras de chaînes étrangères ou des éminents politologues n’ont-ils pas monopolisé notre petit écran pendant une énième édition spéciale du journal télévisé? La sensation de déjà-vu est tellement forte que la plupart d’entre nous a arrêté de compter depuis belle lurette.
Faudrait-il donc attendre que ce mauvais moment passe en assistant aux événements en tant qu’observateurs ? Certainement pas, que du contraire ! Comme le rappelait à juste titre l’édito du journal Le Soir du lundi 3 janvier, il faut s’indigner de ce qui nous déplaît, faire entendre sa voix et clamer haut et fort son opinion. Même si c’est compliqué, même si l’indifférence semble générale ou même si les jeux politiciens paraissent prendre le dessus. C’est justement le meilleur moment pour agir. Que ce soit pour pousser les syndicats à manifester contre toute mesure remettant en cause la solidarité entre tous les Belges, pour inciter les organisations patronales à rejeter toute scission de l’impôt des sociétés car elle induirait une concurrence néfaste entre Régions ou pour tout simplement écrire directement à un député de votre choix en lui faisant part de votre point de vue. C’est par l’expression de la volonté citoyenne que ce pays pourra durablement lutter contre le repli sur soi et le nationalisme, rejetés par la majorité des habitants de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie. Faire confiance à ses responsables politiques lors de négociations importantes sur le futur du pays est normal, leur faire comprendre que la vigilance citoyenne (et pas seulement médiatique !) est maximale et que toute décision sera jugée sous un angle critique et constructif est le signe d’une société civile participative et d’une démocratie moderne. Ayons cette ambition !

BPlus plaide pour une consultation populaire!

Suite au refus de la N-VA et du CD&V de reprendre les négociations sur base de la note de Johan Vande Lanotte, le blocage politique de notre pays est total. Il dure depuis plus de six mois. En tant que mouvement citoyen regroupant l'ensemble des strates de la population de part et d'autre de la frontière linguistique, BPlus estime qu'il est temps que nos concitoyens s'expriment sur la direction à donner aux débats actuels.

Il n'est pas question d'appeler à revoter car les électeurs ont déjà donné leur opinion en juin dernier : ils veulent un gouvernement stable et une réforme de l’Etat. BPlus appelle dès lors à la mise sur pied, dans les meilleurs délais, d'une consultation populaire organisée par les trois Régions du pays et portant sur la question suivante :

Souhaitez-vous que les négociations politiques reprennent, sans délai, sur base de la note remise par Johan Vande Lanotte, sans que celle-ci ne soit fondamentalement modifiée ? (Oui / Non)

Nos responsables politiques devraient par ailleurs s'engager à respecter le résultat de cette consultation si la réponse obtient la majorité simple (>50%) au sein de chacune des trois Régions (Wallonie, Flandre et Bruxelles).

Toute démocratie qui se respecte fait appel à sa population durant les moments clés de son Histoire. Nous sommes persuadés que l’immense majorité des citoyens belges, quelle que soit la région où ils se trouvent, souhaitent aller de l’avant vers la formation d’un gouvernement et la conclusion d’une réforme de l’Etat durable.

Réaction de BPlus à la note du conciliateur royal Johan Vande Lanotte : Oui, mais…

Au cours des dernières années, BPlus s’est toujours attelé à développer, dans les matières communautaires et institutionnelles, une argumentation profondément fédéraliste visant à promouvoir une réforme de l’Etat équilibrée et la mise sur pied d’une Belgique fédérale, solidaire et efficace. Les nombreux textes rédigés par notre mouvement ont continuellement veillé à représenter un compromis acceptable par les Flamands et les Francophones et ont bénéficié de l’appui et d’un grand degré de participation de l’ensemble de nos 4.000 membres.

BPlus a bien sûr dû réévaluer ses positions à la lumière de la note du conciliateur royal Johan Vande Lanotte et, après concertation, se prononce en faveur de la relance sans délai des négociations à sept (NVA, PS, SPA, Ecolo, Groen, CDH et CD&V) sur base de cette note. Vous trouverez ci-dessous un compte-rendu de notre analyse :

1) Matières touchant à la sécurité sociale : déception.

Communautariser les allocations familiales et une partie des soins de santé représente une brèche importante dans les mécanismes de solidarité entre tous les Belges. Le fait que le financement de toutes les prestations sociales reste fédéral est positif mais nous estimons cependant que la boite de Pandore a été ouverte. Les milieux nationalistes réclamant déjà une septième réforme de l’Etat si ce texte est adopté.

2) Autres transferts majeurs de compétences : ouverture.

Justice.

BPlus se déclare ouvert à une régionalisation partielle de la justice, pour peu que les paquets de compétence restent homogènes et que le secteur judiciaire soit consulté. En outre, que des matières régionales soient jugées devant un tribunal régional nous paraît logique dans le cadre d’un système fédéral moderne.

Code de la route.

BPlus ne voit pas l’intérêt d’une telle mesure mais est prête à l’accepter dans le but d’arriver à un compromis acceptable par tous.

Emploi.

BPlus est disposée à accepter la régionalisation de l’emploi tel que proposée dans la note Vande Lanotte.

3) Modernisation de la vie politique : où est la circonscription fédérale ?

BPlus se réjouit des mesures suivantes mentionnées dans la note, même s’il faut bien sûr attendre de voir comment elles seront mises en œuvre concrètement :

Réforme du Sénat en un lieu de rencontre des différentes Communautés, sur le modèle du Sénat allemand. Un tel dispositif, pour peu que de véritables compétences fortes y soient associées, serait une amélioration importante de notre système fédéral.
Mise en place d’une Communauté urbaine autour de Bruxelles traitant de problématiques de mobilité, d’emploi et d’urbanisme.
Possibilité de présenter des listes bilingues pour les élections régionales bruxelloises.

BPlus regrette profondément que la logique modernisatrice n’ait pas été poussée jusqu’au bout et que l’instauration d’une circonscription électorale fédérale pour la Chambre ne figure pas dans le texte, au même titre qu’une certaine dose de hiérarchie des normes, comme c’est dans tous les systèmes fédéraux.

4) BHV et Bruxelles: satisfaisant.

BPlus prend acte de la scission de l’arrondissement électoral de BHV qu’il soutient depuis des années. Cependant, notre mouvement déplore que l’instauration d’une circonscription électorale nationale n’ait pas été rajoutée au compromis. En effet, couplée à l’assouplissement de la circulaire Peeters et la possibilité pour les Francophones habitant les six communes à facilités de voter à Bruxelles, l’ensemble nous paraît plus équilibré.

Les réformes internes à la Région bruxelloise nous paraissent également acceptables et nécessaires.

5) Loi de financement : satisfaisant.

BPlus a toujours été favorable à une responsabilisation accrue des entités fédérées et à une autonomie fiscale limitée des Régions. Pour peu que le principe clé selon lequel aucune des Régions concernées ne peut être appauvrie suite à la réforme de la loi de financement, BPlus se prononce donc en faveur de sa révision.

Par ailleurs, BPlus est convaincu qu’un refinancement de Bruxelles est indispensable afin que cette Région puisse remplir au mieux ses fonctions de capitale européenne, belge et flamande.